OUVRIERS À COURT TERME, LAISSEZ À LA MAISON VOS JEANS,
SHORTS ET ESPADRILLES !

Paul G. Hiebert

C’est le tout dernier écrit de Paul Hiebert. Il l’a rédigé sur son lit de mort quelques semaines avant son départ. Il m’a dit : « Je voudrais employer ce média électronique libre et rapide pour faire part aux lecteurs de MissiologyGlobal.org de ce morceau humoristique » tant que la mission à court terme se trouve une matière de conversation parmi les praticiens et les missiologistes.

Cet article a été lu publiquement à la réunion régionale de la Ems-ne dont « la mission à court terme » a été le thème ; les membres de la EMS se sont solennellement mis debout prier pour Paul et se souvenir de lui dans un esprit d’hommages, une semaine avant son décès.

Peu d’expériences au cours de notre première rencontre transculturelle nous impressionnent plus que notre sens de la propreté et de la saleté. C’est certainement le cas pour ceux qui se rendent en Inde. En mettant le pied en dehors de notre maison de passage, nous sommes accablés par un surcharge sensoriel : du monde partout, des couleurs vives, de la musique de temple et de cinéma éclatant des haut-parleurs, des appels de à la prière musulmane, et des odeurs : parfums, encens, aliments, bouses de vache et humaine ; on se sent accablé et confus. Mais c’est les ordures qui attirent d’abord notre attention.

Premières impressions culturelles

Pour beaucoup d’Américains, les premières impressions de l’Inde ont à faire avec la saleté : les ordures se décomposant au bord de la route, sachets en plastique drapés sur des arbustes, égouts ouverts infects, bouses de vache, de chien et des gens sur les chemins, saleté et poussière partout. Le chaos s’étend sur les routes : camions, autobus, rouleaux compresseurs, tracteurs, voitures, pousse-pousse à moteur, motocycles, charrette à bœuf, piétons, vaches, buffles, moutons, et chiens perdus, tous négociant un parcours de leurs différentes manières avec peu souci apparent pour les « règles de la route ». Le résultat choque, c’est du chaos, le sens que la vie n’a aucun ordre ; les choses sont hors de commande et elles sont sales.

Les Indiens en visite aux USA ont aussi leurs premières impressions des Américains. Ils sont intimidés par la propreté publique, les pelouses fauchées, les bâtiments fraîchement peints, les rues propres, et les égouts cachés sous terre. Les gens se promènent en voitures polies et non-bosselées, observant bien les pistes marquées s’arrêtant aux feux rouges, attendant que le trafic approchant passe avant d’effectuer un tournant. Cependant, ils sont choqués par la saleté personnelle des Américains. Bien que ceux-ci soient évidemment riches, ils s’habillent comme des indigents. En public, dans les écoles, les magasins, les cinémas et les autobus, ils portent de vieux jeans sales, des shorts qui ne couvrent rien, des t-shirts empreints de publicités, des chaussures criards de sports, vêtements de laboureurs manuels. ( La prochaine fois que vous allez dans la rue et aux magasins, regardez bien). Les femmes portent la même tenue terne que les hommes. {Personne n’enlève ses chaussures en entrant dans sa maison, ni dans les églises en présence de Dieu.) Il est évident qu’ils ont les moyens de s’habiller de manière respectueuse, pourquoi donc prennent-ils mieux soin de leurs rues, jardins et voitures qu’eux-mêmes ?

Si vous regardez de plus proche, vous verrez que les ordures américaines sont encore plus profondes. Les Américains mangent avec des fourchettes et des cuillères qui ont été dans les bouches d’autrui, et avec leurs doigts sans les avoir lavés soigneusement. Même s’ils mangent avec leur main droite, ils se servent de la même main dans les toilettes. Ils emploient pour se nettoyer du papier hygiénique qu’ils n’utiliseraient jamais pour nettoyer leurs assiettes. Les Indiens mangent avec leurs doigts qui n’ont pas été dans les bouches d’autres, et ne se servent que de la main droite, car la main gauche est réservée pour toute activité impropre. Les Américains mangent de la viande, même du boeuf, ce qui les rend impurs et leur donne une odeur forte de corps que les végétariens peuvent sentir. Ils se touchent en se laissant polluer par ceux qui sont rituellement plus impurs qu’eux.

En dessous de la surface

Suivant leur choc initial, les Américains doivent s’arrêter et y jeter un coup d’œil plus profond. Ils rencontrent un paradoxe. Plus que n’importe quelle autre culture, l’indienne est basée sur une croyance profonde en la pureté et la pollution qui touchent chaque secteur de la vie. En dépit de sa réputation des ordures publiques, elle est obsédante de la propreté personnelle. À la surface, les hommes sortent de petites huttes portant leur meilleure chemise, cravate et pantalon, bien lavés et repassés, et chaussures fraîchement polies. Les femmes s’habillent de tissus féminins brillamment colorés et propres et elles montent une moto de manière respectueuse ou se mettent de biais derrière leurs maris, leurs écharpes en soie et saris soufflant dans le vent. Les restaurants fournissent des éviers publics où il faut que les clients se lavent les mains avant de manger. On balaye journellement les maisons, on enduit les entrées extérieures d’une couche fraîche de terre et de bouse de vache pour les rendre propres, et on décore avec des fleurs et des desseins tracés dehors avec de la poudre blanche. Les gens se brossent leurs dents et se peignent les cheveux de manière presque obsédante. Ils le feront même en public voulant que les autres voient leur souci pour la propreté et la dignité personnelle.

À un niveau plus profond le souci de la société indienne pour la pureté et son horreur de la pollution vont bien au-delà de la saleté extérieure qui peut être lavée. Les indiens sont préoccupés par la pollution intérieure profonde, la souillure de l’individu. Le travail manuel, tel que le balayage, le traitement des peaux d’animal, l’enterrement des morts et la coupure des cheveux, font toucher des objets morts, ce qui est le plus polluant. Le blanchissement des vêtements, le nettoyage des maisons et le balayage des jardins et des rues polluent, parce que ces activités impliquent une manipulation des ordures. Cette souillure basée sur la caste est héréditaire, étant transmis des parents aux enfants. Le seul dégagement de cette pollution est l’espoir que dans la vie prochaine on naîtra en Brahman pur ou en une autre personne de haute caste.

On peut également acquérir une pollution personnelle par un contact avec des choses qui sont polluées. Les personnes de haute caste ne devraient pas toucher des personnes de basse caste, de peur qu’elles soient polluées. Pour se nettoyer d’une telle pollution, on doit passer par un long rituel de purification qui nettoie son être intérieur. En conséquence, ils ont des salutations rituelles isolées, au lieu de notre serrure de mains, qui ne font pas toucher une autre personne. Les rapports sexuels et les mariages entre personnes de différentes castes sont très polluants, en particulier pour les enfants qui sont nés d’une telle union, parce que ceux-ci se trouvent malpropres aux membres des deux castes de leurs parents.

Quand nous allons en Inde, nous devons apprendre comment les Indiens voient la pureté et la pollution, et réexaminer notre propre croyance au sujet du propre et du sale. Nous devons, aussi, éviter de juger leur croyance selon la nôtre, et examiner toutes les deux à la lumière de l’évangile qui a beaucoup à dire au sujet de ce qui est propre et de ce qui est sale. Pour démarrer, nous devons éviter d’être culturellement peu sensibles, et d’essayer d’imposer nos manières culturelles aux gens que nous rencontrons. Voici quelques recommandations préliminaires.

·         S’il vous plaît, laissez à la maison vos jeans, vieilles t-shirts et chaussures criards de sport, et, femmes, vos shorts et jupes courtes. Porter ces derniers en public insulte vos hôtes et leur fait honte parmi leurs pairs. Ceci néglige leurs soucis culturels profonds pour la propreté. Rappelez-vous, quand vous vous habillez pour vous-même, vous le faites pour votre confort. Quand vous vous habillez pour honorer d’autres, vous le faites pour leur montrer du respect. Montrez donc du respect pour vos hôtes par votre tenue quand vous sortez en public, en particulier quand vous allez à l’église honorer Dieu. S’imaginer que l’on soit là pour apprendre aux autres à porter des jeans et des t-shirts serait de l’impérialisme culturel grossier pire que le colonialisme des vieux missionnaires que nous critiquons si souvent. Eux, ils ont appris la langue, vécu parmi le peuple, s’identifiant avec les gens, porté leur meilleur en public et souvent des costumes indigènes.

·         Faites une exposition publique de votre propreté personnelle. Au restaurant, lavez-vous les mains à l’évier avant de manger ; brossez-vous les dents en public après avoir mangé, et surtout, ne touchez pas votre nourriture avec la main gauche main, ceci serait dégoûtant.

·         Maintenez vos cheveux ordonnés et peignés. Les cheveux ébouriffés sont un signe d’habitudes personnelles malpropres.

·         Évitez autant que possible de manger de la viande en public, particulièrement le bœuf. Rappelez-vous que manger de la viande est une marque de gens très de sales.

·         Tenez vos promesses. Quand vous formez une amitié « proche » pendant vos interactions étroites avec des jeunes gens locaux, faites attention à ce que vous promettez dans l’intensité de la situation. Les Américains sont tentés de dire que ce seront des amitiés permanentes, mais quand ils rentrent chez eux, ils ont tant d’autres choses dont ils s’occupent, qu’ils oublient leurs nouvelles amitiés. Vos hôtes à l’étranger vous ont pris pour sérieux et ils vous envoient régulièrement des courriels pendant des mois, sans recevoir de réponse ni effort de fortifier la relation. Pour vos hôtes, vous êtes une fenêtre sur le plus grand monde, et ils attendent continuellement vos mails qui ne viennent pas. Quant aux relations interpersonnelles, les Américains sont connus pour faire et pour casser facilement leurs promesses. Ne faites pas de telles promesses si vous ne pouvez le faire très au sérieux.

Avant tout, apprenez de vos hôtes. Au début, ils peuvent s’avérer hésitants de vous critiquer, mais tant que vous établissez la confiance, ils sauront vous aider à être vus en tant que personnes propres et respectables dans les villes et les villages de l’Inde.

Publié dans un numéro spécial dédié à la souvenir de Paul G. Hiebert sur www.globalmissiology.org, avril 2007

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